Montées de « Mattot »

Le poids de la Parole

1) Prescriptions relatives aux vœux et serments prononcés par des hommes ou des femmes. Dans la tradition juive, les « paroles ne s’envolent pas », mais engagent fortement celui ou celle qui les exprime. Concernant les femmes, leurs vœux peuvent être récusés par leurs époux ou pères (lorsqu’elles sont âgées de 12 ans à 12 ans et demi), leur silence valant consentement et approbation.

2) Guerre contre Midian. Les rois de Midian et Bil’am sont tués, ainsi que tous les hommes. Les femmes, les enfants et les richesses sont emportés.

3) Moïse s’emporte contre les généraux qui ont laissé en vie les femmes, alors qu’elles furent à l’origine de la débauche des hébreux 1 et du fléau qui s’ensuivit (faisant 24 000 morts). Moïse leur demande alors de tuer toutes les femmes âgées de trois ans et plus, ainsi que tous les garçons, quel que soit leur âge.
Lois relatives à la « cachérisation » de la vaisselle, selon le matériau et l’usage qui en était fait, ainsi qu’à l’immersion de la vaisselle acquise à un non-juif, dans un Miqvé (« Bassin rituel »). Il s’agissait de la vaisselle pillée chez les Midianites.

4) Partage du butin et des captifs, entre les soldats, la communauté et les prêtres.

5) Suite du partage. Ayant constaté que tous les combattants revinrent sains et saufs de la guerre, ces derniers augmentèrent la part revenant aux prêtres, en gage de reconnaissance à Dieu.

6) Les tribus de Gad et de Réouven, riches en troupeaux, demandent à Moïse l’autorisation de s’établir en Transjordanie, terre de pâturages, refusant de s’installer au-delà du Jourdain. Moïse réagit d’abord très violemment, redoutant une réédition de la faute des explorateurs, qu’il ne manque pas de leur rappeler. Mais après avoir écouté leur argumentation, et en particulier, leur promesse de partir au front avec les autres tribus, et de ne revenir s’installer en Transjordanie, qu’une fois que tous les enfants d’Israël auront pris possession de leur héritage,

7) Moïse se ravise, et leur donne sa bénédiction. On apprend que la moitié de la tribu de Ménaché se joint à Gad et Réouven. Le texte détaille ensuite les villes dont ils prennent possession.

Absence de lien entre la Haftara et la Paracha durant les trois semaines, du 17 Tamouz au 9 Av :
Prophétie de Jérémie, relative à sa vocation prophétique (subie) et au danger Babylonien. Comme Moïse, Jérémie est contraint par Dieu (dès sa conception dans le ventre de sa mère) à devenir prophète, sort manifestement peu enviable, à lire sa complainte. Il ne faut pas oublier que Jérémie a été l’un des prophètes les plus persécutés, ayant même échappé de peu à la mort. Oubliez l’image d’Epinal des prophètes entendus et respectés par leurs contemporains ! On déteste toujours les prophéties de malheur et les moralisateurs. A l’époque de Jérémie, les faux prophètes étaient les plus écoutés, en raison de discours rassurants et complaisants.

Etincelles de mémoire :

– C’est le caractère contraignant de nos paroles qui est à l’origine de l’usage de dire systématiquement, béli neder, « sans engagement », lorsque l’on dit que l’on va faire quelque chose, de manière à ne pas se retrouver fautif si l’on n’accomplit pas ce que l’on a dit.

– La mémoire rituelle a conservé la Tévilat Kélim (l’ « immersion de la vaisselle » dans un bassin rituel). Dès que l’on achète de la vaisselle ou des couverts (principalement en métal ou en verre) fabriqués par des non-juifs ou leur appartenant, il faut les tremper pour avoir le droit de les utiliser. A ne pas confondre avec la cachérisation, processus beaucoup plus complexe, consistant à extraire de cette vaisselle, le non-cacher qui y a été cuisiné, en l’ébouillantant ou en la chauffant à des chaleurs très élevées. Tremper dans un Miqvé, la vaisselle utilisée d’un non-juif, ne sert donc à rien. Il faut d’abord la cachériser, puis la tremper ensuite. Sur quoi se fonde la loi de Tévilat Kélim ? Tout simplement sur l’idée que le fait de manger et de boire selon les rites juifs, diffère considérablement de la façon non-juive, non par pour des motifs racistes, à Dieu ne plaise, mais parce que toute l’alimentation juive est régie par des règles 2 qui subliment cet acte aussi banal, que nous partageons même avec les bêtes. Immerger les objets qui servent à se nourrir, dans un bassin rituel, symbole de pureté, c’est signifier l’importance que nous accordons à faire d’un acte de nature un acte de culture, civilisationnel.

Etincelles de réflexion :

– Concernant le caractère concret des vœux que nous prononçons, évoqué dans la première montée, il est utile de souligner qu’en hébreu, dabar et dibour, « chose » et « parole », ont la même racine. Une parole est donc aussi concrète, réelle qu’une chose. Le langage active une zone du cerveau comme le font nos actes. Il faut donc avoir des raisons sérieuses de formuler un vœu (généralement, il s’agit de se motiver, compte tenu de la gravité qu’il y a à le violer), sans quoi, il vaut mieux s’abstenir. Il existe deux traités talmudiques consacrés aux paroles engageantes : Nedarim (« les vœux ») et Chévou’ot (« les serments »).

– L’ordre donné par Moïse de tuer tous les enfants mâles et toutes les femmes de plus de trois ans de Midian, soulèvent, instinctivement, notre indignation. Existe-t-il d’autres réponses que la contextualisation historique des faits, mettant cela sur le compte des mœurs guerrières de l’époque ? Si l’on est convaincu que le texte biblique doit nous parler aujourd’hui, le questionnement est incontournable. Les lecteurs et lectrices peuvent se tourner vers un numéro de la revue Pardès, intitulé « Guerre et Paix », tout à fait passionnant, qui traite, notamment, des « guerres saintes » (par « saintes », j’entends, au nom de l’ordre de Dieu) qui heurtent nos consciences modernes, et donne des éléments intéressants de réponse.

1 Un commentateur justifie le fait que les femmes aient été épargnées par la responsabilité de leurs époux qui les ont poussées à la débauche avec les enfants d’Israël.
2 Les lois alimentaires (voir Parachat Chémini, dans le Lévitique), bénédictions avant et après avoir bu et mangé, tenue à table, etc.

Voir aussi
De l’État à l’état civil

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