Montées de « Devarim »

Enfants d’Israël, c’est Moïse qui vous parle !

SEFER DEVARIM (« Paroles »)/DEUTERONOME

« Deutéronome » est un mot d’origine grecque qui signifie « répétition de la Loi », renvoyant à l’autre nom hébraïque de ce cinquième et dernier livre du Pentateuque, Michné Tora. Dénominations trompeuses, en réalité, parce que Moïse, certes, peu de temps avant sa mort, revient sur tous les épisodes marquants qui jalonnèrent les quarante années passées dans le désert, mais innove sur deux plans. D’une part, il détaille ces événements, en précisant leur déroulement et en les revisitant selon sa perception « personnelle », avec les réactions qui furent les siennes. Un exemple : Moïse nous apprend que ce sont les Hébreux qui réclamèrent l’envoi d’éclaireurs en Canaan, ce qui n’apparait pas clairement dans la section Chélah’ Lékha de Bémidbar, qui traite de cet épisode aux conséquences tragiques. D’autre part, ce cinquième livre recèle un très grand nombre d’enseignements, et, notamment, des commandements qui ne figurent pas dans les livres précédents.

Montées :

1) Les lieux cités où Moïse adresse ses paroles à Israël, constituent des reproches à mots couverts (voir « Etincelles de réflexion »). Evocation de la terre promise aux Patriarches, à la veille d’y entrer avec Josué. A la question de savoir pourquoi le verset 8 évoque la terre jurée « à vos pères, Abraham, Isaac et Jacob », alors que la référence aux pères dans le Pentateuque renvoie systématiquement aux trois patriarches mentionnés nommément, Rachi répond que c’est pour nous enseigner que les mérites d’un seul des trois suffisaient à ce que Dieu honore son serment. D’où cette redondance. Enfin, Moïse bénit le peuple, lui souhaitant de devenir « mille fois plus nombreux ». Ce dernier verset a été introduit dans la « bénédiction de l’assemblée »/Birkat Ha-Qahal, récitée dans toutes les synagogues lors des offices du Chabbat matin et des fêtes.

2) Moïse revient sur la réforme de l’organisation judiciaire entreprise afin de le décharger de cette tâche trop lourde pour être dévolue à un seul homme. Il pose les principes d’une justice équitable 1. Rappel des pérégrinations dans le désert qui les conduisirent à la lisière du pays de Canaan.

3) Moïse remémore le tragique épisode des explorateurs 2 et le découragement du peuple. Il souligne que ce désespoir traduisant un manque de confiance en Dieu, était totalement infondé après les miracles qui les assistèrent depuis l’exode. Caleb entrerait en terre promise, ainsi que Josué, qui succéderait à Moïse, condamné à mourir dans le désert, et

4) les enfants de cette génération fautive. Désireux de réparer leur erreur, les hébreux partent en guerre contre l’Amoréen, mais Dieu ne les assiste pas et ils sont écrasés. Début de l’errance qui durera trente-huit ans.

5) Israël doit traverser des territoires pour se rendre en Canaan. Il se voit interdire par Dieu la confrontation avec les descendants d’Esaü (les édomites), situés au sud (Eilat), avec Moab et Ammon. En revanche, Dieu livre l’Amoréen Sih’on, roi de H’echbon, qui s’oppose au passage des hébreux par son territoire, la Transjordanie.

6) Guerres victorieuses contre Sih’on et ‘Og, roi Amoréen de Bachan. Leurs territoires, dont l’étendue est décrite précisément, sont conquis et dévolus aux tribus de Réouven, Gad et à la moitié de Menaché.

7) Moïse rappelle aux guerriers de ces tribus leur promesse solennelle de ne revenir s’établir dans ces territoires, qu’après que toutes les autres tribus aient pris possession de leurs terres (3).

Le lien entre la Haftara et Dévarim :

Aucun. Ainsi qu’expliqué précédemment (4), en raison de la survenance des trois semaines séparant le 17 Tamouz du 9 Av. Toutefois, il est difficile de ne pas faire de rapprochement entre les reproches adressés par le prophète Isaïe à ses contemporains, relatifs aux iniquités et à la corruption des juges, et la première montée de notre section où Moïse revient sur le devoir d’impartialité des magistrats. Plus généralement, le livre du Deutéronome constitue le testament de Moïse sous forme de reproches adressés au peuple, comme le feront les prophètes des Haftarot. Les prophètes sont d’abord des éveilleurs de conscience.

Etincelles de mémoire :

– Le peuple juif est souvent béni dans la Bible par le souhait de multiplication « comme les étoiles du ciel ». Il en est ainsi dans notre Paracha (I, 10), ce qui constitue une source d’interrogation lorsque l’on constate notre faible nombre en comparaison d’autres peuples bien plus nombreux. Aussi, Rachi voit dans cette formule une allégorie : « vous êtes comparables au jour, doués d’éternité comme le soleil, la lune et les étoiles ». La pérennité d’Israël n’est pas conditionnée à l’importance numérique. Ailleurs, le Kéli Yaqqar, dans le même ordre d’idée qui consiste à appréhender cette bénédiction sur un mode allégorique, estime que la comparaison aux astres ou au sable de la mer, renvoie aux périodes d’indépendance ou de sujétion d’Israël. Inaccessible comme les astres ou foulé aux pieds et piétiné par nos ennemis.

– Pour les juristes, ou ceux qui s’intéressent au droit, dans la seconde montée l’on trouve des principes fondamentaux de procédure, tels que le principe du contradictoire (selon la lecture du Or Ha-Haïm Ha-Qaddoch) ou le devoir d’impartialité du juge (droit à une justice indépendante et impartiale).

Etincelles de réflexion :

Moïse n’est évidemment pas Dieu pour être doté du don d’ubiquité. Il est donc impossible qu’il puisse s’adresser au peuple d’Israël, depuis tous les lieux qui sont cités dans le premier verset de Devarim. Le commentaire de Rachi nous enseigne que ces endroits renvoient, en réalité, à tous les lieux où Israël a suscité la colère divine par ses comportements. Moïse, respectueux de la dignité de son peuple, ne voulait pas adresser de réprimandes de manière explicite, il choisit de le faire de manière détournée. Ainsi, par exemple, Di Zahav (« suffisamment d’or », littéralement) est une allusion à la faute du veau d’or, rendue possible par l’or en quantité énorme, pris en Egypte. Moïse, par cette remémoration, cherchait à prévenir une réitération de ces fautes par le peuple, tout en nous enseignant qu’un dirigeant doit se garder d’humilier ceux dont il est l’émanation.

1 Voir « Etincelles de mémoire ».

2 Voir Parachat Chélah’ Lekha, dans Les Nombres/Bemidbar.

3 Se reporter à la Parachat Mattot , dans Bemidbar.

4 Se reporter à la Parachat Pinéh’as.

5 Qui consiste en un devoir pour le juge, d’écouter les deux parties, avant de se prononcer. En droit hébraïque, il lui est même interdit d’écouter la requête de l’une des deux parties, en l’absence de l’autre qui sera pourtant auditionnée par la suite.

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