Montées de « A’haréi Mot »

Le bouc émissaire

1) Rite de Yom Kippour, assuré par le grand-prêtre, avec, notamment, le sacrifice du « bouc émissaire », dénommé ainsi, parce qu’il expiait toutes les fautes du peuple d’Israël.

2) Suite du rite du « bouc émissaire » et des rites sacrificiels de Kippour.

3) Suite et fin du rite sacrificiel de Kippour. Obligation de se mortifier à Kippour (1), jour qualifié de Chabbat (ce qui est prohibé le Chabbat est prohibé durant Kippour). Le verset scandée de nombreuses fois durant les offices de Kippour (Ki bayom hazé yéekhapper ‘alékhem…lifné Hachem Titharou), provient de cette montée : « Car en ce jour, on fera propitiation (=pardon) sur vous afin de vous purifier ; vous serez purs de toutes vos fautes devant l’Eternel » (Lévitique XVI, 30). Le Talmud déduit également de ce verset que Kippour pardonne les fautes vis-à-vis de Dieu, mais non les fautes à l’égard de notre prochain, car il est dit « vous serez purs de toutes vos fautes devant l’Eternel ». Seul autrui peut donc nous octroyer son pardon.

4) Prohibition de pratiquer les sacrifices en dehors du parvis du Temple, sanctionnée sévèrement. La fin de cette montée abonde dans le sens de l’opinion de Maïmonide sur la justification des sacrifices comme concession aux sacrifices païens (2) : « et ils n’offriront plus leurs sacrifices aux démons, au culte duquel ils se prostituent… ».

5) Même interdit avec les holocaustes. Interdit alimentaire du sang. Commandement de recouvrir de terre le sang du gibier (c’est-à-dire, des bêtes non domestiques cacher (3) et des volatiles égorgés pour être consommés (Kissouï dam, « recouvrement du sang »). Interdit alimentaire de consommer la chair d’une bête morte (non abattue ou mal abattue rituellement) ou déchirée (blessures mortelles). Sa transgression entraîne l’impureté. Prohibition de l’imitation des lois permissives (notamment, en matière de mœurs sexuelles, ainsi qu’il ressort de la prochaine montée) adoptées par les autres peuples.

6) Les unions illicites : incestes, adultère, et femme indisposée. Prohibition du culte du Moloch. Concernant le Molékh (Lévitique XVIII, 21), le Talmud déduit de la formulation de l’interdit, mizar’o, « de sa descendance », que n’est passible de la peine de mort que celui qui donne une partie de sa descendance, et non toute sa descendance. En d’autres termes, un père qui fait passer tous ses enfants dans le feu, ne sera pas puni, tandis que celui qui n’en fera passer que quelques uns, ne sera pas sanctionné ! Où se trouve la logique? Une des réponses apportées par Manitou (4) consiste à rappeler que la sanction octroyant le pardon au fauteur, l’absence de sanction signifiait donc que la gravité de l’acte rendait impossible le pardon.

7) Prohibitions de l’homosexualité (5) et de la zoophilie. Adéquation morale nécessaire entre la terre d’Israël et le peuple qui y réside, s’il ne veut pas qu’elle le « vomisse ».

Etincelles de mémoire :

Le début de notre section est lu le matin de Kippour, et, surtout, constitue le cœur de cette sainte journée, avec le Seder ‘Avoda, dans la prière de Moussaf (répétition de la ‘Amida), qui relate l’ensemble des rites accomplis ce jour-la, à l’époque du Temple, par le Cohen gadol (« grand-prêtre »).

Etincelles d’action :

« Les pratiques du pays d’Egypte, où vous avez demeuré, ne les imitez pas ; les pratiques du pays de Canaan, où je vous ai conduits, ne les imitez pas, et ne vous conformez point à leurs lois. » (Lévitique, 18, 3).
L’auteur du Kéli Yeqar, s’interroge avec nous sur la pertinence des précisions soulignées en italique. Ignorerions-nous (et plus encore les destinataires contemporains de ces exhortations) que le peuple d’Israël a demeuré en Egypte, et que Dieu le conduisit en Canaan ?
Selon notre exégète, ces indications a priori superfétatoires, constitueraient des reproches voilés. Dieu tiendrait rigueur aux Hébreux d’avoir demeuré en Egypte, c’est-à-dire, de s’y être installés durablement, puis, d’avoir refusé de s’établir en Canaan (cf. épisode bien connu des explorateurs).
Le séjour en terre des pharaons n’était qu’une étape transitoire avant la conquête de la terre promise. L’extraction du peuple hébreu au moyen des plaies n’aurait été que la conséquence de l’attentisme de ce dernier, elle-même résultant d’un oubli de la place incontournable tenue par la terre promise dans la vocation d’Israël (au point qu’Israël désigne désormais à la fois un peuple et une terre). Le temps fit-il son œuvre en transformant la terre d’exil en terre promise ?
Il était alors inévitable que le peuple israélite s’imprègne de valeurs égyptiennes antinomiques avec celles du monothéisme.
Le second motif de reproche réside dans l’attitude des Hébreux lors de la tragédie des explorateurs qui entraîna leur lente extinction dans le désert durant quarante ans.
Une sorte de réédition de la première erreur, puisque qu’il s’agit cette fois-ci de séjourner durablement dans le désert plutôt que de s’établir dans le pays promis aux patriarches et à leurs descendants, où Dieu les conduit.
Ce commentaire ne peut que nous amener à réfléchir sur deux problématiques qui nous touchent de près, nous, juifs de diaspora. La première concerne le positionnement des valeurs juives vis-à-vis de celles, affirmées ou diffuses, des pays dont nous sommes les citoyens.
La seconde est liée à notre rapport à l’exil et au pays d’Israël. Percevons nous encore le pays d’Israël comme notre destination finale, ou notre horizon est-il désormais borné par les lieux où nous vivons, travaillons et éduquons nos enfants ?

(1) Par le jeûne et les interdictions de se laver, de se frictionner, d’avoir des rapports conjugaux et de porter des chaussures en cuir.
(2) Voir notre commentaire sur Vayiqra.
(3) Enumérées dans la section Réé, dans le Deutéronome : Le cerf, la gazelle, le daim, le bouquetin, l’antilope, l’aurochs et les mouflons.
(4) Dans « La parole et l’écrit ».
(5) La prohibition de l’homosexualité par la Bible, fait partie des interdits rejetés par les mœurs sociales actuelles, et qui suscitent un certain nombre d’interrogations, notamment, concernant le libre arbitre de ceux ou celles qui « choisissent » ce mode de vie, étant entendu que l’on ne saurait pénaliser des comportements déterminés (c’est-à-dire, relevant du déterminisme). A ce jour, en l’absence de preuve scientifique d’un tel déterminisme, les Sages d’Israël continuent de condamner l’homosexualité, tout en essayant de comprendre plutôt que de juger, l’homosexuel(le).

Voir aussi :
Lectures de « Aharé Mot-Qedoshim »

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