Montées de « Nitsavim »

L’unité du peuple juif, en Israël et en Diaspora

1) Moïse introduit le peuple d’Israël, dans toutes ses composantes, dans l’Alliance.

2) Cette Alliance est conclue également avec les générations futures.

3) Moïse met en garde contre la tentation des idoles, que ne tolère pas l’Eternel. Israël serait alors expulsé de sa terre. Le dernier verset souligne la solidarité morale à laquelle est tenu chaque membre du peuple juif, c’est-à-dire, le devoir de combattre le mal perpétré au sein de la communauté.

4,5) L’exil est conditionné à la prise de conscience des erreurs qui en furent à l’origine. L’Alliance entre D.ieu et son peuple n’est donc jamais rompue.

6) L’étude et la pratique de la Loi de D.ieu ne relèvent pas de l’impossible (1).

7) Remémoration de l’Alliance « des malédictions », thème central de cette Paracha, qui fait dépendre le maintien d’Israël sur sa terre du même nom, de sa fidélité à la Tora.

Le lien de la Haftara avec notre péricope :

Extrait d’Isaïe. Paroles de consolation (Haftara de Neh’ama) liée à l’avènement de l’époque messianique, thème cher au prophète Isaïe.

Etincelles de mémoire :

« La colère me monte au nez ». Cette expression bien connue se retrouve dans le verset 19 du chapitre 29 selon le commentaire de Rachi : « Le Seigneur ne voudra pas lui pardonner ; la colère du Seigneur et sa jalousie fumeront alors contre cet homme… ». Rachi explique : « Sous l’action de la colère, le corps s’échauffe et une vapeur sort du nez »(2).

Etincelles de réflexion :

Le lamed de Vayyachlih’ém (« Il les a rejetés ») au verset 27 du chapitre 29 est calligraphié plus grand dans le Sefer Tora. Ce terme désigne l’exil auquel est condamné Israël en raison de sa désobéissance à D.ieu. On est généralement tenté de n’appréhender l’Exil que sur un mode négatif, en l’associant de manière systématique à un châtiment divin. Or, le lamed est une lettre de l’alphabet hébraïque qui signifie « apprendre » ou « enseigner ». L’exil est donc également une source d’enseignement, à la fois pour Israël, qui peut et doit apprendre des nations au sein desquelles il est dispersé, mais aussi et surtout pour les nations, fécondées par les valeurs juives de leurs citoyens hébreux (3). Israël doit également apprendre, au sens de tirer les leçons, de l’exil, qui devient alors une des modalités de l’Alliance. En diaspora rester juif c’est redonner tout son sens à l’Alliance malmenée par Israël sur sa terre. Et par cela, l’exil peut prendre fin (4).

Etincelles d’action :

Chaque année, le 1er du mois hébraïque de Tichré (en accadien (6), Tachritou) marque le passage à une nouvelle année du calendrier juif à partir de la Création. C’est le Roch ha-chanah, le Nouvel An. Selon le Séder olam Rabba (attribué au rabbin du IIème siècle, Yosé ben ‘Halafta), le monde aurait été créé 3761 années avant notre ère. L’année 2016-2017 correspondrait donc à l’an 5777 du calendrier juif. Ce qui soulève d’emblée le problème de sa conciliation avec l’état de la science moderne qui déclare que le monde existe depuis quelques milliards d’années, et l’homme, depuis des millions, des centaines ou des dizaines de milliers d’années, selon le stade de son évolution.

Voici ce qu’écrit à son interlocuteur, dans une correspondance épistolaire relative à ce problème (7), le dernier Rabbi de Loubavitch, de mémoire bénie, Menahem Mendel Schneerson : « On vous attribue une observation selon laquelle, tout comme les problèmes rabbiniques devraient être abordés par un spécialiste en études rabbiniques, de même les problèmes scientifiques devraient être réservés à ceux qui étudient la science. Je ne sais dans quelle mesure cette rumeur est fondée, mais je crois malgré tout devoir en tenir compte, puisque je suis en plein accord avec ce principe. J’ai poursuivi des études scientifiques à l’université de 1928 à 1932 à Berlin, et de 1934 à 1938 à Paris, et je me suis efforcé depuis de suivre le développement scientifique en certains domaines. »
N’étant pas moi-même de formation scientifique, je pourrais me contenter de rapporter ici les différentes tentatives de conciliation de nombreux penseurs juifs dotés de ces compétences. Et chers lecteurs, je ne doute pas qu’il s’en trouvera parmi vous pour satisfaire leur curiosité. Toutefois, réticent à l’idée d’exposer ce que j’ai personnellement des difficultés à comprendre, je préfère opter pour une autre approche.

Dans un article publié par L’Arche en 2016 (Torah et Science, qui dit vrai ?), j’avais présenté trois approches différentes en présence de contradictions apparentes entre Torah et Science. L’une d’entre elles consiste à récuser l’idée même de contradiction en estimant que ces savoirs se situent sur des plans différents. Les sciences disent le réel, tandis que la Torah s’attache au symbolique, à l’existentiel.
« Rav Qatina a dit : « Le monde durera six mille ans et mille ans de destruction (suivront)… Une baraïta 5 corrobore l’énoncé de Rav Qatina : De même que la septième année est l’année chabbatique du cycle de sept ans, ainsi le monde connaitra un repos de mille ans pour les sept mille ans… Enseignement de l’école d’Eliyyahou : Le monde durera six mille ans. Deux mille ans de tohu (« chaos »), deux mille ans de Torah, deux mille ans d’époque du Messie… » (Talmud de Babylone, traité Sanhédrine, p. 97a).
Dans le Lévitique, au chapitre 25, au verset 2, l’année de Chemittah (septième année, année du repos de la terre) est qualifiée de « chabbat pour l’Eternel ». Le grand exégète, Abraham Ibn Ezra (1092-1167), de manière énigmatique, écrit : « Ici, il est fait allusion au secret de l’âge du monde. »

Deux observations s’imposent :
La comparaison entre l’âge du monde et le cycle de sept ans nous autorise à formuler l’hypothèse que d’autres cycles aient précédés le nôtre puisque l’année chabbatique faisait partie elle-même d’un cycle de cinquante ans (la cinquantième année était le jubilé). Le fait d’éluder cet avant, peut s’expliquer par l’absence d’êtres humains pourvus de la conscience morale qui caractérise l’Homme décrit dans la Genèse. Ce qui réduit l’intérêt de cette « protohistoire », pour une tradition monothéiste qui fait remonter son existence à Abraham.

Rachi (1040-1105) commente ce passage et donne une chronologie précise des deux mille ans de tohu et des deux mille ans de Torah, mais l’on perçoit bien, dans son commentaire, le cheminement d’une histoire universelle du monde, passant ensuite à une histoire nationale, celle du peuple hébreu, pour aboutir à une fin des temps, l’époque messianique, où se retrouvent tous les peuples. De l’universel au particulier pour revenir à l’universel. Ainsi, selon Rachi les deux mille ans de chaos partent du premier homme (l’universel humain) pour s’achever avec Abraham (le particulier hébreu) âgé de 52 ans, moment où débutent les deux mille ans de Torah. Qui se terminent avec la destruction du Second Temple de Jérusalem, soit, selon ses calculs, 172 années avant la fin de 4000 ans. Attente de la reconstruction du Temple pendant les deux mille ans d’ère messianique (délivrance d’Israël et rédemption de l’humanité).

Que 5777/2016-2017 voit la disparition du mal et l’instauration de la paix dans le monde, caractéristiques du messianisme.

1 Certains exégètes pensent qu’il s’agit de la Techouva (« repentir), et non de la Tora, les versets n’indiquant pas explicitement l’objet visé par leur propos.

2 Tex Avery n’a rien inventé.

3 Les noms des 12 mois sont d’origine babylonienne. Dans la Torah, les mois n’ont pas de nom, et sont identifiés par leur ordre numérique, le mois que l’on nommera plus tard Nisan, étant le 1er mois de l’année. Tichri ou Tichré est le 7ème mois.

4 Torah et Science. Anthologie de discours du Rabbi de Loubavitch, Les éditions du Beth Loubavitch, 2ème édition, Paris, 5769. 2009, p. 42.

5 Enseignement tannaïtique ne se trouvant pas dans la Michnah.

6 Je tiens ce commentaire de Moïse Cohen, président d’honneur du Consistoire de Paris et longtemps président de la Communauté de La Varenne dont je fus le rabbin durant sept ans.

7 Voir la partie « Exils », dans le livre de Raphaël Draï cité dans la bibliographie : « Identité juive identité humaine ».

Voir aussi :
Parasha Nitsavim
La loi n’est pas dans le ciel

Envoyez un commentaire

Vous devez être connecté pour publier un commentaire.