La prohibition de l’inceste

Pourquoi le cinquième fils de Léa, neuvième de Jacob, s’appelle-t-il Issachar ?

Genèse 30, 14-18
Et Ruben sortit aux jours de la moisson du froment, et il trouva des mandragores dans les champs, et les apporta à Léa, sa mère. Et Rachel dit à Léa: Donne-moi, je te prie, des mandragores de ton fils. Et elle lui dit: Est-ce peu de chose que tu m’aies pris mon mari, et tu prends aussi les mandragores de mon fils! Et Rachel dit: Eh bien, il couchera avec toi cette nuit pour les mandragores de ton fils. Et Jacob vint des champs sur le soir, et Léa sortit à sa rencontre, et dit: C’est vers moi que tu viendras, car je t’ai loué (שָׂכֹר שְׂכַרְתִּיךָ, SKR SKRTYK, Sakor Sekartikha) pour les mandragores de mon fils. Et il coucha avec elle cette nuit-là. Et Dieu entendit Léa, et elle conçut, et enfanta à Jacob un cinquième fils. Et Léa dit: Dieu m’a donné mon salaire (שְׂכָרִי, SKRY, Sekari), parce que j’ai donné ma servante à mon mari. Et elle appela son nom Issacar (יִשָּׂשכָר, YSSKR, Yisaskar).

Commentaire d’Elie Munk (La Voix de la Torah) :
« Le nom « Issacar » (יששכר, YSSKR) fait allusion à cette récompense (שכרי, SKRY) et, en même temps, à la « location » (שָׂכֹר שְׂכַרְתִּיךָ, SKR SKRTYK, Sakor Sekartikha) mentionnée au verset 16. »

Le nom d’Issachar (יש-שכר, YSSKR), fils de Jacob et de Léah, peut être lu “Homme du salaire”(Ysh Sakar), ou bien “Il y a une récompense” (Yesh Sakar). SKR, Sakar (guématrie ordinale messianique de 52, 21+11+20), peut être un “salaire”, un « loyer », une “récompense”, une « rétribution », contreparties matérielles ou immatérielles.

Ce que Rachel évite, en détournant les mandragores, c’est que Ruben, qui les avait offertes à sa mère, n’aille commettre un inceste avec elle ! Il finira d’ailleurs par en commettre un, sans doute moins grave, en allant coucher avec la servante de sa tante Rachel, Bilha, concubine de son père, en Genèse 35, 22:
Pendant qu’Israël habitait cette contrée, Ruben alla coucher avec Bilha, concubine de son père. Et Israël l’apprit.

Avec cette métaphore poétique, la Torah aborde la prohibition de l’inceste, sujet ô combien scabreux autour duquel les Midrashim sur Issachar, tant talmudiques que chrétiens, vont broder : les premiers en faisant d’Issachar un érudit en Torah, entretenu par son frère Zabulon, les seconds en faisant de Judas Iscariote un voleur, qui détourne l’argent de sa communauté.

Juda et Issachar, respectivement quatrième et cinquième fils de Léah, se suivent dans les énumérations des fils de Jacob, aussi bien en Genèse 35, 22-26, immédiatement après l’inceste de Ruben,…
Les fils de Jacob étaient au nombre de douze. Fils de Léa: Ruben, premier-né de Jacob, Siméon, Lévi, Juda, Issacar et Zabulon. Fils de Rachel: Joseph et Benjamin. Fils de Bilha, servante de Rachel: Dan et Nephthali. Fils de Zilpa, servante de Léa: Gad et Aser. Ce sont là les fils de Jacob, qui lui naquirent à Paddan-Aram.,
… qu’en Exode 1, 2-3, au début de l’Exode :
Voici les noms des fils d’Israël, venus en Egypte avec Jacob et la famille de chacun d’eux : Ruben, Siméon, Lévi et Juda ; Issacar, Zabulon, Benjamin, Dan, Nephthali, Gad et Asher.

4 réponses à “La prohibition de l’inceste”

  1. Jean-Louis BOURREL dit:

    Shalom. Je ne comprends pas cette histoire d’inceste potentiel évité par la démarche de Rachel. Quels était l’âge probable de Ruben à ce moment-là ? Il devait avoir bien moins que dix ans Merci d’avance pour votre réponse. JLB

  2. mllevy dit:

    Les auteurs du Livre des Jubilés ont dû être sensibles à votre argument, puiqu’ils mettent onze ans d’écart entre Ruben et Issachar et qu’ils suppriment l’épisode des mandragores Ils expliquent le nom d’Issachar parce qu’il est « confié à une nourrice ». Je maintiens cependant mon explication.

  3. mllevy dit:

    En hébreu dans le Texte.
    Sommaire

    Voir aussi :
    *Translittération

    *Le Précepteur. Comment Moïse entreprit la Bible (Bookelis)
    *Aperçu sur Amazon
    *Recension par Jean-Pierre Allali

  4. mllevy dit:

    Bob Bnk (sur Facebook)
    Je n’avais jamais fait le lien Iscariote et יששכר

    Michel Louis Lévy
    C’est ma principale trouvaille, confirmée par … Saint Jérôme : < < Judas l’Iscariote (...) tira son nom soit du bourg où il est né, soit de la tribu d’Issachar, si bien qu’il est né en quelque sorte sous le présage de sa condamnation. En effet, Issachar signifie “salaire” pour indiquer la rémunération du traître » (Commentaire sur Saint-Matthieu 10, 4, cité par Pierre-Emmanuel Dauzat, "Judas", 2006). >>

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