Montées de « Nasso »

Une des plus longues parachiot de l’année : Les Lévites, les Cohanim et le Nazir

1 et 2) Suite du dénombrement et des tâches des familles de lévites (Guerchon, Mérari et Qéhat).

3) Devoir d’éloigner du camp, les personnes « lépreuses », atteintes de flux (1) ou souillées par un mort.
– Précisions relatives à l’Acham guézélot, déjà rencontré dans la première paracha de Vayiqra. Un individu qui niait, sous serment, une dette d’argent, devait rembourser la somme due, majorée d’un cinquième, et apporter en sacrifice un bélier. L’enseignement plus général qui ressort de ce passage, c’est la nécessité de « confesser » verbalement, les fautes que nous commettons, lorsque nous nous repentons (voir « Etincelles de réflexion »).

4) Procédure de la Sotah (littéralement, femme « déviante »), applicable à l’époque du Sanhédrin et du Temple, concernant la femme suspectée d’infidélité conjugale par son mari. Un traité du Talmud est presque entièrement consacré à ce sujet. On y trouve la minh’at sotah, « offrande de l’épouse soupçonnée d’adultère », consistant en orge sans huile ni encens, que cette femme devait apporter au Cohen. Celui-ci mélangeait de la poussière du sanctuaire aux « eaux consacrées », devenues, de ce fait, « eaux amères », qui étaient administrées à la femme, qui devait prêter auparavant serment de son innocence. Si elle l’était, elle était bénie par une postérité (2). Dans le cas contraire, elle mourrait d’une sorte d’occlusion intestinale. Selon une interprétation du verset 31, l’ « homme » qui « sera net de toute faute » signifie que la femme infidèle ne mourra que si son mari, quant à lui, n’a pas trompé sa femme. Un peu de parité dans ce monde biblique misogyne…

– Le naziréen : Individu (homme ou femme) qui se consacrait à Dieu pendant une période spécifique, en restant en état de pureté durant le temps de son vœu. Il lui est interdit de boire du vin ou toute autre boisson à base d’alcool, de tirer profit d’un produit de la vigne, de se couper les cheveux ou d’approcher d’un cadavre, y compris, l’un de ceux pour lesquels le prêtre peut se rendre impur (par exemple, les père et mère). En cas de contact avec un cadavre, il est prévu une procédure de purification, dont l’Acham nazir, sacrifice d’expiation consistant en un mouton âgé d’un an. Au terme de la période de nazirat, le naziréen devait apporter une brebis et un bélier en offrande au Temple (les chalmé nazir, « offrandes pacifiques » et une ‘Olah, « offrande de fumée »), se raser le crâne et brûler ses cheveux sur l’autel. Comme pour la Sotah, il existe tout un traité du Talmud consacré à ce sujet.
– Cette montée se termine avec la Birkat Cohanim, « bénédiction des prêtres », que Moïse enjoint, sur l’ordre de Dieu, à Aaron et à ses fils, de prononcer à l’adresse des béné Israël.

5 à 7) Cérémonie d’inauguration du Tabernacle, le premier Nissan. Chaque prince de tribu apporte son tribut, en l’honneur de ce grand jour. Curieusement, les offrandes apportées durant douze jours, étaient identiques. Or, la Torah les énumère une à une, sans qu’on en comprenne l’utilité, d’autant plus qu’elle est généralement très concise. A vous de vous creuser les méninges.

Haftara et Paracha, même idée : Le Nazir

Tirée des Juges, cette Haftara raconte la naissance du seul nazir à vie (avec le prophète et dernier des Juges Samuel), Samson, Chimchon. La propre mère de Samson fut d’ailleurs elle-même nazir, pendant toute sa grossesse. Le nazir à vie n’est pas concerné par l’interdiction de tout contact avec un cadavre, ce qui nous rassure à la lecture de tous les cadavres de philistins tués par Samson. L’originalité de cette Haftara tient également à la place qui est faite à la mère de Chimchon, à qui se révèle un ange messager de Dieu, à, deux reprises, ignorant son mari, Manoah’, ce qui prouve la grandeur de cette femme.

Etincelles de mémoire :

La Birkat Cohanim, qui apparaît dans la 4ème montée de Nasso, continue d’être récitée dans toutes nos synagogues à travers le monde. Composée de trois versets, elle concerne, successivement, la réussite matérielle, la réussite spirituelle (3) et la paix, sans laquelle il manquerait l’essentiel aux deux précédentes bénédictions. Après quelques années d’observation, j’ai relevé les erreurs les plus fréquemment commises par les fidèles, en contradiction avec les règles énoncées par le Choulh’an ‘Aroukh de Rabbi Yossef Caro. Citons-en deux :

Donner le dos aux Cohanim, pendant qu’ils prononcent la bénédiction, ce qui est considéré comme une posture de refus d’accueillir celle-ci (malgré l’intention contraire). Cette erreur provient, soit de l’usage très répandu qui consiste à s’abriter sous le Talit du père, du grand-père ou d’un notable, et qui, souvent, contraint à donner le dos par manque de place, ou de l’autre erreur qui provient là aussi d’une intention louable, celle de ne pas regarder les Cohanim en train de bénir. En réalité, il suffit de baisser les yeux ou de les cacher en s’enveloppant de son Talit.

Réciter des versets qui commencent par le mot scandé par les Cohanim, pendant que ces derniers les prononcent. Or, il est interdit de dire quoi que ce soit au moment où les Cohanim chantent la bénédiction. Si l’on tient à réciter ces versets, il faut le faire pendant que l’officiant dicte les mots aux Cohanim. S’il les dicte trop rapidement, l’on empiètera forcément sur la réponse des Cohanim. Dans ce cas, il faut s’abstenir de réciter ces versets et se contenter d’écouter les Cohanim.

– L’obligation pour les femmes mariées de se couvrir la tête se déduit du passage de la Sotah, où il est indiqué que le prêtre devait lui découvrir la tête. Cela implique qu’elle avait la tête couverte.

Etincelles de réflexion :

Dans la Tradition juive, le repentir comporte nécessairement trois phases. La seconde montée de notre section n’en évoque qu’une, celle du Vidouï, de la « confession » verbale de ou des fautes commises. Les guillemets pour « confession » se justifient par l’amalgame qu’il faut se garder de faire avec l’aveu des fautes commises dans un confessionnal, devant un homme, alors que le judaïsme situe cet aveu face à Dieu. Les trois étapes sont :
*1° Le regret de la faute.
*2° L’aveu de la faute, en l’énonçant oralement.
*3° L’engagement de ne plus la réitérer et la preuve qu’il ne s’agit pas que d’une velléité, en ne récidivant pas dans les faits.

Il est intéressant d’observer que les trois lettres de la racine du mot Kippour, qui signifie « pardon », renvoient, dans leur traduction, à ces trois étapes. Kaf, et Réch, signifient, successivement, « la paume (des mains) », la « bouche » et la « tête », donc les actes (les mains symbolisent les actes), ne pas agir mal à nouveau ; l’aveu par la « bouche » et le regret dans la « tête », la prise de conscience du mal commis.

-Le judaïsme n’étant pas une religion d’ascèse, voit d’un mauvais œil le nazirat (4ème montée), notamment, parce qu’il conduit à se priver en matière d’alimentation, et donc à s’interdire des plaisirs de la vie tels qu’un bon verre de vin, que la Torah ne proscrit pas. Le judaïsme élève la création, non pas en exigeant de l’homme qu’il s’en retire, mais, au contraire, en en jouissant conformément à des règles qui l’humanisent. Toutefois, ce que nous pouvons retirer du nazir, c’est la nécessité, parfois, à partir de la connaissance de nos faiblesses, d’ériger des barrières qui nous permettront d’éviter de céder à certains désirs qui exercent un fort attrait sur nous.

1 Voir les sections Tazria’ et Metsora’, dans le Lévitique.

2 Dans le Talmud Bérakhot, il existe un débat relatif au sens à donner à cette bénédiction. Soit il s’agit d’une femme stérile, qui pourra désormais avoir un enfant, soit il s’agit d’enfanter désormais sans douleur ou d’avoir des enfants en meilleure santé et de meilleure constitution que les précédents.

3 Comme le souhaitait Madame Picard, la regrettée célèbre directrice de l’école Lucien de Hirsch, à ses élèves : « Réussir dans sa vie et réussir sa vie ».

Voir aussi
Lectures de « Nasso » (GRJO)
Le relevé des têtes
Trois Cinq sept

Ecouter
Nasso, par le Grand Rabbin Jacques Ouaknin

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