Au huitième jour

La différence essentielle entre les deux fils d’Abraham, Isaac et Ismaël, est d’ordre anthropologique.

Isaac est fils de Sarah, épouse « légitime » d’Abraham, Ismaël est fils « naturel » d’une servante de Sarah ; Isaac est circoncis dès le huitième jour de sa vie, Ismaël l’est à l’âge de treize ans.

Genèse, 17, 12 – A l’âge de huit jours, tout mâle parmi vous sera circoncis, selon vos générations, qu’il soit né dans la maison, ou qu’il soit acquis à prix d’argent de tout fils d’étranger, sans appartenir à ta race.

Genèse 17, 21-25 – J’établirai mon alliance avec Isaac, que Sara t’enfantera à cette époque-ci de l’année prochaine. (…) Abraham était âgé de quatre-vingt-dix-neuf ans, lorsqu’il fut circoncis. Ismaël, son fils, était âgé de treize ans lorsqu’il fut circoncis.

Genèse, 21, 4 – Abraham circoncit son fils Isaac, âgé de huit jours, comme Dieu le lui avait ordonné.

Or, dans Galates 4, 21-28 Paul – et les Chrétiens à sa suite – prennent le parti d’Isaac – Dites-moi, vous qui voulez être sous la loi, n’entendez-vous point la loi ? Car il est écrit qu’Abraham eut deux fils, l’un de la servante, l’autre de la femme libre ; mais celui de la servante est né selon la chair, celui de la femme libre en vertu de la promesse … Or vous, mes frères, comme Isaac, vous êtes enfants de la promesse ».

Pourtant, quoique Jésus ait été circoncis au huitième jour, …
Luc 2, 21 – Le huitième jour, auquel l’enfant devait être circoncis, étant arrivé, on lui donna le nom de Jésus, nom qu’avait indiqué l’ange avant qu’il fût conçu dans le sein de sa mère.
… c’est le même Paul qui abandonne le rite de la circoncision :
Romains 2:28-29 – Le juif n’est pas celui qui l’est au-dehors, et la circoncision n’est pas au-dehors dans la chair, le vrai juif l’est au-dedans et la circoncision dans le cœur, selon l’esprit et non pas selon la lettre .
1Corinthiens 7:19 – La circoncision n’est rien, et l’incirconcision n’est rien; ce qui compte, c’est de garder les commandements de Dieu .

Mais, abandonnant la circoncision, les Chrétiens abandonnent aussi le huitième jour, soit la reconnaissance de paternité (des garçons !) dès la naissance. Le baptême de Jésus par Jean-Baptiste (Matthieu 3, 13-17 ; Marc 1, 9-11 ; Luc 3, 21-22) suggère la descente du Saint-Esprit sur un adulte.

Il faudra plusieurs siècles de débats théoriques et théologiques, la pression des fidèles et l’influence du droit romain pour que le baptême des petits enfants, garçons et filles, soit institué avec Saint-Augustin, lors du concile de Carthage (418), puis que soit généralisée, progressivement et difficilement, la tenue de registres de naissances, sous l’autorité épiscopale.

En France, l’ordonnance de Villers-Cotterêts, prise par François 1er en août 1537, normalise les registres, en étend la pratique à tout le royaume, et place la justice d’Église sous le contrôle de la justice du Roi. Puis la Révolution institue l’état civil par le décret du 20 septembre 1792, ordonne le transfert aux municipalités et la clôture des « registres existant entre les mains des curés et autres dépositaires ».

On sous-estime le mérite des missionnaires chrétiens dans les pays colonisés d’y avoir répandu le baptême et son enregistrement : l’État commence à l’état civil.

5 réponses à “Au huitième jour”

  1. mllevy dit:

    Matthieu 28, 19 Faites de toutes les nations des disciples et baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit renvoie à Genèse 17, 5-6 : On ne t’appellera plus Abram, ton nom sera Abraham, car je t’ai rendu père d’une foule de nations ; Je te ferai fructifier considérablement, et former des peuples ; des rois descendront de toi

  2. mllevy dit:

    En hébreu dans le Texte.
    Sommaire

    Voir aussi :
    *Translittération

    *Le Précepteur. Comment Moïse entreprit la Bible (Bookelis)
    *Aperçu sur Amazon
    *Recension par Jean-Pierre Allali

  3. mllevy dit:

    J’apprends l’existence éphémère – de 1204 à 1261 – d’un Empire latin d’Orient, à la suite du détournement de la Quatrième Croisade.

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Empire_latin_de_Constantinople

  4. mllevy dit:

    En somme, le processus qui va, dans la chrétienté, de la généralisation du baptême des petits enfants à la tenue de registres de baptême est mal documenté. ll s’étale sur plusieurs siècles et semble avoir été plus rapide dans l’Église romaine que dans les Églises orientales, probablement parce que la hiérarchie ecclésiastique, sous le contrôle des Papes de Rome, était mieux alphabétisée et mieux contrôlée.

  5. mllevy dit:

    Jean-Marc Pascolo sur Facebook

    Les observances mosaïques, dont la circoncision, ne s’imposent pas aux chrétiens, car le Christ y a mis fin, en les assumant lui-même et en les remplaçant par de nouvelles institutions. Il s’agit là d’un enseignement nouveau sur base de ce que les chrétiens appellent la Nouvelle Alliance.
    Par rapport à la dimension biblique, les chrétiens qui vivent sous la Nouvelle Alliance ne sont plus soumis à la Loi de l’Ancien Testament, si bien que la circoncision n’est plus requise, comme le montrent un certain nombre de passages du Nouveau Testament, notamment Actes 15, Galates 2.1-3, 5.1-11, 6.11-16, 1 Corinthiens 7.17-20, Colossiens 2.8-12 et Philippiens 3.1-3.
    Même la Loi reconnaît que la circoncision seule est insuffisante pour plaire à Dieu, par l’exigence : « Circoncisez donc votre cœur » (Deutéronome 10.16, voir Romains 2.29). Les œuvres de la chair ne sont d’aucune valeur pour le salut (voir Galates 2.16). Les Pères de l’Église ont considéré la circoncision charnelle comme contraire au principe de la perfection de la création, et celui qui circoncit pour des raisons religieuses commet un péché mortel.
    Pour plus de précisions il faut ouvrir le Code Théodosien (438), dans lequel ont été recueillies des mesures disciplinaires à ce sujet ; il s’agit d’interdictions et de sanctions à l’encontre de juifs qui auraient circoncis des chrétiens :
    « Que, maintenant comme à l’avenir, personne ne s’empare de leurs synagogues, que personne ne les incendie. Cependant les juifs eux-mêmes seront condamnés et à la confiscation de leurs biens et à l’exil perpétuel s’il était établi qu’ils ont circoncis ou ordonné de circoncire quelqu’un de notre foi.
    Si un juif, après avoir acheté un esclave chrétien ou de quelque autre secte, le circoncit, il ne pourra en aucun cas retenir en servitude la personne circoncise[…]
    Si un juif croit bon d’acheter un esclave d’une autre secte ou nation, cet esclave sera aussitôt revendiqué par le fisc. Et s’il circoncit la personne achetée, non seulement il sera puni par la perte de l’esclave, mais il sera en outre frappé de sentence capitale ».
    Certaines de ces lois seront intégrées dans des textes juridiques de haute époque (notamment la Lex Romana Wisigothorum).
    Dans le Christ, vous avez été circoncis avec la circoncision du Christ » écrit Saint Paul (Col. II, 11) Avec raison, on considère le baptême comme une circoncision spirituelle, pas dans la chair. Il en résulte que comme membres de l’Eglise du Christ, les chrétiens peuvent faire référence à eux-mêmes, comme l’a fait autrefois le peuple juif par métonymie, comme « La circoncision ». « Nous sommes la circoncision, – nous qui vénérons le Seigneur par l’Esprit de Dieu » (Phil. III, 3). Une vision précise du baptême comme « la circoncision du Christ » semble un premier exemple de ce que le cardinal Lustiger avait l’habitude d’appeler « l’accès, à travers le Christ, à toutes les richesses spirituelles d’Israël ».
    Cette circoncision du cœur annoncée par la Loi renouvelée ou les prophètes (cf. Dt 10, 16 ; Dt 30, 6 ; Jr 4, 4) dépasse les pratiques anciennes et s’ouvre aux femmes, à tous les enfants de Dieu, sans cruauté.
    La circoncision n’est-elle pas un « travail de la chair » vide et décevant ? Il est sûr que c’est « une pratique religieuse externe qui manque de contenu spirituel », comme le dit la Bible encyclopédique Zondervan : « L’histoire de la circoncision illustre un des paradoxes de base qui empoisonnent la religion ».
    La réforme liturgique consécutive au concile Vatican II a supprimé cette célébration de la Circoncision de Jésus dans le nouveau calendrier. La Solennité de Marie Mère de Dieu a été introduite par la réforme liturgique consécutive au concile Vatican II, et fixée au 1er janvier. Cette Solennité a donc remplacé la cérémonie de la circoncision de Jésus. Elle se situe huit jours après la Nativité de Jésus-Christ et célèbre aussi à travers Marie, la femme comme faisant également partie de la Nouvelle Alliance. Le 1er janvier devient ainsi une fête majeure qui renvoie au concile d’Éphèse, en 431, l’un des plus importants de l’histoire de l’Église. Cette fête clôt ainsi l’octave de Noël, huit jours après la Nativité du Seigneur, tout en coïncidant avec la Journée mondiale de la paix, promue par le pape Jean-Paul II. Ainsi Marie, en sa virginité, est en quelque sorte intérieure à chacun de nous ; elle est la figure de la vraie « circoncision du cœur », de l’accueil de la Parole créatrice sans laquelle nous ne serions pas. Sans laquelle nous serions privés de toute fécondité, fécondité qui revient toujours à mettre Dieu au monde en faisant grandir l’humanité dans les hommes.

Envoyez un commentaire

Vous devez être connecté pour publier un commentaire.