Comme le règne d’un roi

Deux années sont censées séparer les rêves des compagnons de Joseph prisonnier et ceux de Pharaon.

Genèse 41, 1
וַיְהִי מִקֵּץ שְׁנָתַיִם יָמִים
WYHY MQZ SNTYM YMYM
VaYehy MiQets Chenatayim Yamym
Au bout de deux ans Par’au eut un songe (Samuel Cahen)
Et c’est au bout de deux ans de jours, Pharaon rêve (André Chouraqui)
Et il arriva, au bout de deux années révolues, que le Pharaon songea (John Darby)
Au bout de deux ans, Pharaon eut un songe (Louis Segond)
Or il arriva, après deux années entières, que Pharaon fit un songe (Septante en français)
Ce fut à la fin de deux années, Pharaon rêva (Rabbinat)

מִקֵּץ, MiQets, MQZ, au bout, à la fin. La terminaison en « ayim » de שְׁנָתַיִם, SNTYM, Chenatayim, dénote un « duel », mais le mot lui-même contracte SNH, Shana, année, et SNYM, Shenayim, deux. On a donc affaire à une « paire d’années », un couple, et pas forcément une durée de deux ans.

Pour ne rien arranger, Catherine Chalier, citant Rabbi Nahoum de Tchernobyl, dans un commentaire sur Akadem, intitulé « le sommeil de Pharaon », rapproche de plus שְׁנָתַיִם, SNTYM, Chenatayim de שְּׁנָת, SNT, Chenat, « sommeil » (1).

Chaque sommeil est à la charnière du jour passé et du jour à venir. Chaque nuit, comme celle de la Saint-Sylvestre, est à la charnière de l’année qui s’achève et de celle qui commence. Chaque naissance est à la charnière des deux années de la vie de la mère, celle de la grossesse, et celle de l’allaitement.

La vie d’un homme, comme le règne d’un roi, commence une année donnée, s’achève une année donnée. Et la fin d’un règne, c’est le début du suivant. Rien ne prouve que le Pharaon qui met Joseph en prison soit aussi celui qui le délivre.

À la mémoire de la Reine Elisabeth II (1952-2022)

(1) Exemple : Genèse 28,16
וַיִּיקַץ יַעֲקֹב מִשְּׁנָתוֹ
WYYQZ YŒQB MSNTW
Vayiqets Ya’aqov MiChenato
Jacob s’éveilla de son sommeil
Noter Vayiqets, « il s’éveilla », comme Miqets, « au bout de ». Au bout du sommeil, il y a le réveil.

2 réponses à “Comme le règne d’un roi”

  1. mllevy dit:

    En hébreu dans le Texte
    Sommaire

    Voir aussi :
    Translittération

  2. mllevy dit:

    Georges Sicherman sur Facebook
    Ta leçon 119 me déroute. Je résume ce que j’ai compris. Le premier point discuté à propos du verset Genèse 41,1 est la réinterprétation novatrice de Catherine Chalier (je l’ai entendue il y des années à l’émission du dimanche à 9h) d’une traduction prise avant elle comme étant le nombre 2, et qui serait en réalité le mot sommeil.

    Donc Joseph était en prison où il a interprété avec succès les rêves prémonitoires d’un échanson et d’un boulanger qui se sont réalisés au bout de 2 ans. Ce fameux 2 ans qui est peut-être autre chose.

    A ce moment là, le pharaon fait un rêve avec des vaches grasses et maigres qui ne lui inspire rien. Il apprend que Joseph sait interpréter les rêves, s’adresse à lui. Joseph lui explique alors que la période d’abondance de 7 ans qui est en cours, sera suivie d’une famine de 7 ans, et lui suggère de faire des réserves pour la surmonter. Pharaon se laisse convaincre , et fait de Joseph le premier ministre du royaume qui sauvera l’Egypte de la famine et réglera, en prime, le différent qui l’oppose à ses frères, ceux qui l’ont vendu comme esclave par jalousie, mais sans le savoir pour sauver leur famille de la famine.
    Je ne comprends pas la portée de la proposition de Catherine Chalier. Car les 2 ans controversés semblent avoir une portée symbolique profonde, le temps qu’un nourrisson soit sevré. Mais l’essentiel me parait être ailleurs. Qui est le messager de Dieu? A mon sens ce n’est pas le pharaon, qui ne comprend pas c’est Joseph qui comprend.

    Donc pour en revenir à Elisabeth II qui m’a plongé dans une interrogation sur la raison de son immense rayonnement au sein d’une démocratie qui n’a rien à envier à la démocratie française, alors même qu’il s’agit d’une personne aussi inactive qu’une statue et dont je n’ai jamais entendu dire qu’elle avait un talent prémonitoire qui aurait épargné des catastrophes au Royaume Uni.

    Pendant des années (on m’a) adressé des discussions talmudiques. J’ai échoué à identifier le régime de rationalité qui se dégageait de (cette) rhétorique avant de demander de mettre un terme à mon épuisement.

    En revanche, quand j’étais à l’école primaire, j’avais le mercredi soir un cours d’éducation religieuse, le rabbin m’avait donné une histoire sainte que je dévorais autant qu’un Jules Verne car en matière de vraisemblance ils s’accordaient très bien. Etais-je plus imprégné de transcendance à 8 ans que maintenant où j’en ai 10 fois plus et que j’ai pris conscience de ma finitude?

    Et comme tout finit par des chansons comme disait le poète :
    Buvons un coup, buvons en deux.
    A la santé des amoureux.
    A la santé du Roi de France.
    Et merde pour le Roi d’Angleterre,
    Qui nous a déclaré la guerre.

    Michel Louis Lévy
    Ce long texte mériterait une longue réponse. Pour l’instant, je précise, ce que j’aurais dû faire dans le texte, que le titre « Comme le règne d’un roi » renvoie à l’habitude de résumer un règne par les « deux années » de son avènement et de sa mort : Elisabeth II (1952-2022). Quant à la transcendance, ce n’est pas seulement celle de Dieu, mais c’est aussi celle d’une nation par rapport à ses habitants et celle du Chef d’État (quels que soient ses pouvoirs réels) qui « l’incarne ».

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