Montées de « Vayiqra »

Prescriptions relatives aux offrandes

1) Prescriptions concernant les sacrifices volontaires (catégorie différente de celle des sacrifices obligatoires, tels que les sacrifices quotidiens du matin et de l’après-midi, par exemple). Il s’agit ici d’holocaustes volontaires, plus précisément de l’une des quatorze catégories d’holocaustes ou « offrandes de fumée », dont la particularité était d’être entièrement brûlés sur l’autel, à l’exception de la peau (réservée au prêtre), qui provenaient du gros bétail (vaches, taureaux) ou du petit bétail (brebis, moutons, chèvres) ;

2) ou de volatiles (tourterelles et pigeons).
– La minh’at nédava, « offrande volontaire », apportée par les individus. Les ménah’ot (« offrandes ») désignent des sacrifices végétaux, en l’occurrence, des grains, à l’exception de deux d’entre eux, consistant en fleur de farine. Certaines offrandes se présentaient sous forme de matsa (pâte non levée), comme celle évoquée par notre montée. Elles étaient généralement composées d’huile et d’encens.

3) Prohibition de l’introduction de levain (à l’exception des offrandes de pains de Chavouot) et de miel (à l’exception des dattes contenant du miel, offertes comme prémices) dans les offrandes (1). Le sel accompagnait tous les sacrifices.
L’offrande des prémices, appelé minh’at ha-‘Omer, « offrande de grains du ‘Omer », consistant en orge moissonné le deuxième jour de Pessah’. Elle était consommée par les prêtres.

4) Les Chelamim, « offrandes pacifiques ». Il existait quatre sortes de Chelamim. Il s’agit ici de Chelamim volontaires, promises par un individu.
– Prohibition de la consommation du suif et du sang (2).

5) H’attat, « offrande expiatoire ». Sacrifice offert par un individu ayant violé un commandement négatif par inadvertance, qui, s’il avait été transgressé volontairement, aurait été sanctionné par la peine du retranchement. La faute involontaire se dit, en hébreu biblique, ‘Hét. L’on devrait traduire ce mot, ni par « faute » ou « péché », mais par « manque » ou « lacune ». Celui qui commet une faute, produit un « manque », un « déficit d’être », que le sacrifice/ rapprochement (3) doit venir combler (4).
H’attat offert pour l’expiation du grand-prêtre (et du peuple), coupable d’avoir induit en erreur la communauté.
‘Hattat offert pour l’expiation du Sanhédrin (et du peuple), coupable d’avoir induit en erreur le peuple.
‘Hattat offert pour l’expiation d’un prince qui a commis une faute involontaire.
L’on relèvera, pour ces trois cas, la responsabilité qui incombe à ceux dont l’exemplarité qui découle de leurs fonctions, oblige vis-à-vis du peuple.

6) Détail des prescriptions relatives au ‘Hattat de l’individu. Suivent différentes fautes involontaires nécessitant d’offrir un qorban ‘hattat, telles que, consommer la viande des sacrifices ou entrer dans le sanctuaire, en état d’impureté, ou violer un serment. Toutes ces fautes sont expiées par des sacrifices dont le coût variait selon les moyens du coupable,

7) le coût minimum étant celui de l’offrande de tourterelles ou de colombes, voire, pour les plus pauvres, de la fleur de farine : c’est la min’hat ‘hotté, l’ « offrande du fauteur », sans huile ni encens.
– Trois des six espèces de Acham, « offrande pour la faute » :
Acham meïlot, « offrande pour la faute de profanation ». Il s’agit d’une personne qui a involontairement bénéficié de biens du Temple, qui doit rembourser la somme majorée d’un cinquième, et offrir un bélier de deux ans en sacrifice.
Acham talouï, « offrande pour une faute hypothétique », apportée par un individu qui n’était pas certain d’avoir commis une faute. L’exemple-type : celui qui consomme une chair animale dont il ne sait pas si elle correspondait au suif (dont la consommation volontaire est punie par la peine du retranchement) ou de la graisse, autorisée à la consommation.
Acham gezelot, « offrande pour le vol » commis par une personne qui niait, sous serment, une dette d’argent ou un dépôt d’objet. Il devait rembourser la somme due (ou restituer l’objet retenu), majoré(e) d’un cinquième, et offrir un bélier en sacrifice.
Ces sacrifices sont certes inapplicables en l’absence du Temple, mais ils nous délivrent de précieux enseignements quant à la vigilance dont nous devons faire preuve dans le rapport à notre inconscient. Une faute commise par inadvertance n’en demeure pas moins une faute, parce que nos actes doivent être dictés par la réflexion et non par le réflexe si nous voulons nous différencier de la bête que nous offrons (5).

Chabbat Roch h’odech Nissan et hah’odech : ce chabbat correspond au début du mois de Nissan et est également le quatrième et dernier chabbat spécial précédant Pessah’. Nous sortirons trois Sifré Torah : après la lecture de la paracha de Vayikra qui se fera dans le premier Séfer, nous lirons dans un deuxième Séfer la paracha de Roch h’odech, Nombres 28, 9-15, puis nous lirons dans le troisième Séfer, la paracha de Hah’odech exode 12, 1-20 qui rappelle les lois de fixation du calendrier hébraïque (mois lunaire et année solaire) et les lois du sacrifice pascal.
Une haftarah spéciale extraite du chapitre 46 du livre d’Ezéchiel est lue ce Chabbat.

Etincelles de mémoire :

– Il est en répété à plusieurs reprises, au terme d’un rite sacrificiel concernant tant le petit ou le gros bétail, que les volatiles, dont le coût variait sensiblement, « combustion d’une odeur agréable à Dieu ». Comment comprendre cette phrase, appliquée à un Dieu qui récuse tout anthropomorphisme ? Rachi (en Lévitique I, 17), paraphrasant une michna célèbre, y répond : « Il est dit au sujet de l’oiseau : odeur agréable, et il est dit au sujet de l’animal : odeur agréable. Pour te dire : que l’offrande soit importante ou modeste, pourvu qu’on oriente son cœur vers le Ciel » (6).
-« … à toutes les offrandes tu adjoindras du sel » (Lévitique II, 13à. Notre table remplaçant l’autel des sacrifices, et nos repas se substituant aux dits sacrifices, le sel doit être toujours présent à côté du pain (y compris les jours de fête où certains ont l’usage de mettre du sucre ou du miel sur la table, comme à Roch Hachana, par exemple). Le sel, qui est imputrescible, rappelle également que l’Alliance conclue entre Dieu et le peuple d’Israël, bien que parfois mise à dure épreuve. Enfin, le sel symbolise l’attribut de rigueur divine, alors que le pain, nourriture essentielle, symbolise la bonté divine. En trempant le pain dans le sel, l’on demande à Dieu de modérer sa sévérité à notre égard, en faisant prévaloir sa miséricorde (7).

Etincelles d’action (en lieu et place des « étincelles de réflexion »)

« Loi perpétuelle pour vos générations, dans toutes vos demeures : toute graisse et tout sang, vous vous abstiendrez d’en manger » (Lévitique 3, 17).
Le Professeur Raphaël Draï, dans son livre, Identité juive, identité humaine (Armand Colin, Paris, 1995, p. 104-106), explique de manière lumineuse les raisons de l’interdit de consommer le sang. Interdit déjà cité en Genèse 9, 4, après le déluge.
Le sang (Dam, en hébreu) est le « principe vital de l’être ». Dam se retrouve dans Adam (« l’homme »), créé de Adama («la terre »), selon le récit de la Genèse. Consommer le sang serait « détruire sa propre source ». Dans le même ordre d’idées, la Torah prohibe la consommation de l’agneau dans le lait de sa mère. La che’hita (« abattage ») permet à une partie du sang de s’écouler et de retourner à la terre, « selon la séquence suivante : Adam*Dam*Adama. La séquence inversive, anticréationnelle, monstrueuse pour tout dire, serait : Adama*Dam*Adam, au terme de laquelle l’homme s’autoriserait à résorber en lui même, de manière… cannibalique… le principe de sa propre existence. »

Réponses à la question posée dans la Lettre du Rabbin de la semaine dernière :
Rappel de la question :

Dans le début de la Parachat Vayakel, il est précisé qu’il est prohibé d’allumer un feu le jour du chabbat dans nos demeures. Précision a priori inutile puisque cette défense figure dans les 39 travaux interdits relevés dans la Loi orale.
Réponses :
Il s’agit de marquer la différence entre nos maisons et la maison de Dieu (le tabernacle, et, plus tard, le Temple de Jérusalem), où l’on allumait le feu (et l’on commettait bien d’autres infractions au respect du chabbat) pour le besoin du culte sacrificiel. Ce qui explique également que le rappel du chabbat précède la construction du tabernacle, afin de souligner que la dite construction doit cesser lorsque le chabbat arrive. Nous aurions pu penser en effet que cette réalisation repousserait le chabbat comme ce sera le cas pour le culte sacrificiel.
Sans cette précision, nous aurions été tentés de comparer chabbat au Yom tov (« jour de fête »), où l’usage du feu est autorisé pour tout ce qui relève des besoins culinaires.
Ce verset vient interdire l’exécution d’une des quatre peines capitales, qui requérait l’usage du feu. Le Talmud explique que, dans la mesure où le Pentateuque dispose qu’un prêtre ayant commis un crime passible d’une peine capitale, se voyait appréhendé même au cours de ses fonctions dans le temple, cela impliquait donc l’interruption du dit service. Or, ce culte, nous venons de le voir, repoussait le chabbat. D’où a fortiori suivant : si ce culte qui prime sur le respect du chabbat cède devant les impératifs de la justice, il va sans dire que cet impératif prime sur le chabbat. Selon cette lecture, les demeures dont parle le verset ne sont pas nos maisons mais les tribunaux.
Merci au Grand Rabbin Blum pour ce dernier éclairage.

1 Le Kéli Yaqar justifie cette interdiction par les symboliques du levain et du miel antinomiques avec le sacrifice, qui exige soumission à Dieu et à ses commandements, ce qui implique la maîtrise de ses désirs : en effet, le levain symbolise l’orgueil (il fait « gonfler »), tandis que le miel renvoie à l’attirance irraisonnée pour les plaisirs.

2 Le suif symbolise la fainéantise, tandis que le sang renvoie aux pulsions incontrôlées (au « sang chaud »). S’interdire de les consommer signifie rechercher un équilibre, le juste milieu entre ces deux attitudes excessives.

3 Voir dans nos « Etincelles de réflexion », l’étymologie du mot Qorban.

4 La sentence des Pirqé Abot, « la sanction de la transgression, c’est la transgression elle-même », devient dés lors plus claire. Ouvrages conseillés aux lecteurs intéressés par une approche psychanalytique du Pentateuque : ceux de Daniel Siboni, de Marie Balmary, et Ces interdits qui nous libèrent, publié en 2007, aux éditions Dervy, dans la Collection Chemins de l’Harmonie, de mon ami, Moussa Nabati, auquel j’ai contribué.

5 Nos Sages expliquent en effet qu’offrir un animal en sacrifice, c’est offrir son animalité qui est à l’origine des fautes commises.

6 Voir également Rachi en Lévitique II,1.

7 Leh’em (« pain ») et mélah’ (« sel »), comportent les mêmes lettres, lamed, h’et et méme, dans des ordres différents, et ont tous deux, pour valeur numérique, trois fois vingt-six, c’est-à-dire, trois fois la valeur numérique du Tétragramme.

Voir aussi
Lectures de « Vayiqra » (GRJO)
Vayiqra, le Lévitique
Le sens des sacrifices
Du Lévitique au Coran

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