Tamar et Ruth : le rachat et le gage

III. La Gueoulah, rédemption, est à l’origine le droit de rachat (préemption) d’une terre agricole, accordé à un proche parent.

Lévitique 25, 23-25
Les terres ne se vendront point à perpétuité; car le pays est à Moi, car vous êtes chez Moi comme étrangers et comme habitants. Dans tout le pays dont vous aurez la possession, vous établirez le droit de rachat (גְּאֻלָּה, GALH, Guëoulah) pour les terres. Si ton frère devient pauvre et vend une portion de sa propriété, celui qui a le droit de rachat (גֹאֲלוֹ, GALW, Goalo), son plus proche parent, viendra et rachètera (וְגָאַל, WGAL VeGaal) ce qu’a vendu son frère.

Dans le Lévitique, cette notion – qui vise à interdire la vente de terre à un étranger – intervient dans le droit foncier, et dans les Nombres, elle intervient aussi dans des affaires de meurtre (גֹּאֵל הַדָּם, GAL HDM, Goél HaDam, racheteur du sang, traduit le plus souvent par « vengeur du sang »), fondant une sorte de droit de la vendetta. Mais elle n’apparaît pas à propos du lévirat, dont la loi envisage seulement que le beau-frère puisse refuser d’épouser la veuve de son frère. Une curieuse cérémonie de renoncement est alors prévue.

Deutéronome25, 7-10
Si cet homme ne veut pas prendre sa belle-sœur, elle montera à la porte vers les anciens (…) S’il persiste, et dit: Je ne veux pas la prendre, alors sa belle-sœur s’approchera de lui en présence des anciens, lui ôtera son soulier (נַעֲלוֹ, NŒLW, Na’alo) du pied, (…) Et sa maison sera appelée en Israël la maison du soulier tiré (חֲלוּץ הַנָּעַל, ELWZ HNŒL ‘Halouts HaNa’al).

Retirer son soulier, cela évoque l’injonction faite à Moïse au Buisson ardent, qu’on peut lire en modifiant légèrement la traduction habituelle (Exode 3, 5) :
Ôte tes souliers de tes pieds, pour que le lieu sur lequel tu te tiens soit (devienne) une terre sainte.
Retirer son soulier lors d’un contrat vise donc à sacraliser celui-ci et à rendre l’engagement pris irrévocable.

Or une cérémonie analogue apparaît dans le livre de Ruth.

Ruth 4, 7-9
Autrefois en Israël, pour un rachat (עַל־הַגְּאוּלָּה, ŒL-HGAWLH, ‘Al-HaGueoulah) ou un échange, l’un ôtait son soulier (נַעֲלוֹ, NŒLW, Na’alo) et le donnait à l’autre: cela servait de témoignage en Israël. Celui qui avait le droit de rachat (הַגֹּאֵל, HGAL, HaGoél) dit donc à Boaz: Acquiers pour ton compte! Et il ôta son soulier ((נַעֲלוֹ, NŒLW, Na’alo). Alors Boaz dit aux anciens et à tout le peuple: Vous êtes témoins aujourd’hui que (…) je me suis également acquis pour femme Ruth la Moabite, femme de Machlon, pour relever le nom du défunt dans son héritage, …..

Il s’agit en somme d’un mariage devant témoins, qui rend légitimes les futurs enfants du couple, qui assure Ruth – et Naomi – que Boaz est un « type bien » qui assumera sa paternité éventuelle. Mais dans le cas de Tamar, c’est Juda lui-même qui féconde sa belle-fille. Il n’y a donc pas de rachat, il y a seulement un gage, quand Tamar se déguise en prostituée pour séduire son beau-père.

Genèse 38, 15-18, puis 24-26
Juda la vit, et la prit pour une prostituée, parce qu’elle avait couvert son visage. Il l’aborda sur le chemin, et dit: Laisse-moi aller vers toi. Car il ne connut pas que c’était sa belle-fille. Elle dit: Que me donneras-tu pour venir vers moi? Il répondit: Je t’enverrai un chevreau de mon troupeau. Elle dit: Me donneras-tu un gage (עֵרָבוֹן, ŒRBWN, ‘Arévone), jusqu’à ce que tu l’envoies? Il répondit: Quel gage (מָה הָעֵרָבוֹן, MH HRBWN, Mah Ha’Arévone) te donnerai-je? Elle dit: Ton cachet, ton cordon, et le bâton que tu as à la main. Il les lui donna. Puis il alla vers elle; et elle devint enceinte de lui. (…)
Environ trois mois après, on vint dire à Juda: Tamar, ta belle-fille, s’est prostituée, et même la voilà enceinte à la suite de sa prostitution. Et Juda dit: Faites-la sortir, et qu’elle soit brûlée. Comme on l’amenait dehors, elle fit dire à son beau-père: C’est de l’homme à qui ces choses appartiennent que je suis enceinte; reconnais, je te prie, à qui sont ce cachet, ces cordons et ce bâton. Juda les reconnut, et dit: Elle est moins coupable que moi, puisque je ne l’ai pas donnée à Schéla, mon fils. Et il ne la connut plus.

Voila donc une prostituée, qui demande à son « client » non seulement son « petit cadeau », le chevreau, mais aussi sa carte d’identité, pour le forcer à reconnaître l’enfant qui sera le fruit de leur rapport. Juda devient donc un père légitime dès lors qu’il reconnaît l’éventuel enfant à naître de Tamar.

De même Boaz est-il un « racheteur » sérieux, définitif, de Ruth : un rédempteur. L’avenir de la lignée de Naomi est assuré en Israël.
Ruth 4, 14
Les femmes dirent à Naomi: Béni soit YHWH, qui ne t’a pas privé aujourd’hui d’un rédempteur (גֹּאֵל, GAL, Goél) dont le nom sera célébré en Israël!

À suivre

Une réponse à “Tamar et Ruth : le rachat et le gage”

  1. mllevy dit:

    En hébreu dans le Texte
    Sommaire

    Voir aussi :
    Translittération

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